Le numéro 13 d’Ombilic nous invite à une nouvelle promenade autour de l’insaisissable mystère de l’origine et du prédicat du (non) désir d’enfant et de famille.
Cela m’a ramenée à Capharnaüm, un film de Nadine Labaki sorti en 2018.
Le petit Zain est un garçon de 12 ans qui vit dans les rues de Beyrouth, entre mendicité et criminalité. Le film s’ouvre sur une scène dans un tribunal où Zain dit au juge : « Je veux porter plainte contre mes parents pour m’avoir mis au monde ! »
Voilà la question élémentaire qui nous accompagne durant tout le film. Le film naît du désir de Labaki d’observer et de connaître l’intimité de la vie des enfants de rue dans la capitale du Liban, où elle a trouvé le protagoniste de cette fiction, ancré dans cette réalité.
Zain n’a pas de papiers. Il habite avec ses parents et leurs nombreux enfants dans un taudis. Les enfants ne vont pas à l’école et doivent se battre pour survivre à la violence et à la précarité de leur existence.
Dépouillé par la prédiction de l’être que l’Autre aurait dû lui donner, Zain agît en quête de son existence, commet un crime d’honneur – il venge sa sœur – et mène depuis la prison un procès contre ses parents. Un appel à la justice pour habiter son désir d’avoir une place non-anonyme dans le monde.
A l’ère où la science nous ouvre la possibilité – et la liberté – de prédire (presque) tout, l’origine reste un mystère pour le sujet, quelque chose d’insaisissable : la contingence qu’il aura à s’approprier et à se débrouiller face au réel sans loi et à l’impossible – comme nous dit Éric Laurent [1] – d’être cause de soi-même.
Parmi les trois textes de ce numéro, Ros McCarthy articule le mystère de l’origine à ce point de réel que constitue chaque désir de famille et d’enfant. De quel symptôme le sujet est-il le résultat ? De quel désir, de quelle jouissance ? Le point de réel qui constitue l’origine reste insaisissable.
L’interview du gynécologue et psychanalyste Jean Reboul nous invite à connaître la clinique de l’infertilité à partir de sa pratique qui ouvre à la rencontre du réel – pour chaque sujet – la possibilité d’un rendez-vous avec le désir.
Aurélie-Flore Pascal nous invite à une autre séance de cinéma avec son commentaire délicat et précis du film 17 filles : « A Chaque Une sa réson ».
La vidéo de cette édition nous fait découvrir le documentaire La Place de l’homme à travers l’interview de la réalisatrice Coline Grando. Son travail donne place à l’énonciation non-anonyme des hommes qui se positionnent par rapport à leur désir d’enfant par le truchement de la question de l’avortement. Un moment inédit et bouleversant !
Dans Capharnaüm, le père de Zain dit au juge que pour être un homme il lui fallait avoir des enfants. Dans son documentaire, Coline Grando donne aux hommes la possibilité de choisir !
Bonne aventure !
Photographie : ©Nathalie Crame
Bibliographie
BROUSSE, M.-H., « Un néologisme d’actualité : la parentalité », La cause freudienne, n.60, 2005, pp.122.
[1] Cf. Laurent É., « Protéger l’enfant du délire familial », La Petite Girafe, n°29, avril 2009, p. 7.