Juge Ilieva mène des procès civils à la Cour régionale de Varna depuis 9 ans. Il s’agit notamment de cas de litiges concernant les droits parentaux, de restriction et de privation des droits parentaux, de mesures de protection des enfants en vertu de la Loi sur la protection des enfants, victimes de diverses formes de violence.
En février, elle a été invitée par l’équipe du Centre de Réhabilitation Sociale et d’Intégration « Hérissons » à Sofia. C’est l’un des 9 centres ayant le statut de service social pour des enfants et des familles, géré par l’association « Enfant et Espace ». Les psychologues de « Hérissons » font partie de l’équipe thérapeutique de l’association, qui est orientée dans son travail par la psychanalyse lacanienne. Au cours des 3 dernières années, de plus en plus des parents en procès de séparation se réfèrent au Centre. Ces parents s’accusent en aliénation, violence domestique, en prise de décisions unipersonnelles de leurs enfants. Comme juge Ilieva dit ceux sont des gens, dont le fait d’être parents rend désespérés.
Elle a accepté de répondre à nos questions sur le thème de Pipol 10.
Question: Juge Ilieva, le sujet de Pipol 10 est vouloir un enfant? Le désir de famille et la Clinique des filiations. Que pouvez-vous partager sur ce sujet à partir de votre pratique?
Réponse: Ce que je vois dans mon travail est le suivant – le désir d’un enfant n’est que chez un seul des parent. Par exemple, une mère qui veut être parent seule, sans partenaire. Elle pense que son enfant n’a pas besoin d’un père.
Question: Pourquoi un tel cas parvient-il au tribunal, c’est-à-dire à vous?
Réponse: La raison pour laquelle ce cas doit être réfère a la cour est le désir d’un des parent de priver l’autre parent de ses droits parentaux. Au cours du procès, il a été établi qu’il n’y avait pas de lien affectif entre l’homme et la femme avant la naissance de l’enfant et qu’il n’y avait pas de désir partagé d’enfant. L’enfant est apparu à la suite d’un contact sexuel éphémère entre eux. L’absence de lien réel entre ces deux personnes, qui n’ont pas eu la chance de se connaître, est la raison pour laquelle ils ne peuvent pas régler l’horaire des contacts et d’élever l’enfant, ou si je dois utiliser une terminologie moderne, ils ne peuvent pas être parents ensemble.
Question: Quelle est votre décision dans ce cas?
Réponse: La décision était que la demande de la mère de priver le père des droits parentaux a été rejetée. L’argument en est que le père a assumé la responsabilité nécessaire de l’enfant – premièrement, en le reconnaissant et en lui donnant son nom de famille, et qu’au cours des premiers mois de la vie de l’enfant, il a activement participé à élever son enfant. La rupture qui suit, dans les contacts entre le père et l’enfant est le résultat de l’incapacité de la mère et du père de régler ces questions importantes parce qu’ils n’ont pas de mots pour en parler.
Question: Peut-on dire que dans ce cas, la Cour a dans une certaine mesure la fonction de donner des mots à cette femme et à cet homme afin d’avoir un dialogue visant à se comprendre mutuellement sur la cause d’élever leur enfant?
Réponse: Oui, certainement. Et l’argument pour cela est que l’intérêt de l’enfant dans ce cas impose et oblige à réglementer la relation entre le père et l’enfant et la mère et l’enfant. Dans ma décision, j’ai écrit qu’ils «doivent réglementer ces décisions immédiatement». C’est à dire de régler ces relations entre eux, et de ne pas venir avec une demande de priver le père des droits parentaux.
Question: Quelles sont vos observations sur les formes modernes de famille et de filiations?
Réponse: Dans ma pratique, j’observe des cas dans lesquels des personnes du cercle de famille des parents – les grands-parents reprennent les fonctions de mère et de père en absence d’obstacles objectifs et subjectifs de la mère et du père à être parents.
Question: C’est-à-dire que la mère et le père sont bien vivants et s’occupent de leurs enfants, et les grands-parents veulent reprendre leurs fonctions?
Réponse: Je vais illustrer avec l’exemple suivant. Un homme et une femme qui ont deux enfants se séparent lorsque ces derniers sont très jeunes. Depuis 10 ans, la mère exerce les droits parentaux, avec le consentement général des parents, et le père est en contact avec eux sans entrave, surtout lorsqu’il se trouve en Bulgarie. Après le retour définitif du père en Bulgarie, il a décidé de garder les enfants avec lui, à l’insu et sans le consentement de la mère. Il l’accuse de violence émotionnelle contre leurs enfants. La mère a fondé une nouvelle famille après leur séparation, elle vit avec un nouveau partenaire, dont elle a un troisième enfant. Dans le même temps, le père est resté seul. Au cours de la procédure, il a été établi que les accusations portées contre la mère reposaient sur les propos de la grand-mère paternelle, qui interprétait à sa manière les mots des enfants adolescents. Il est clair que cette grand-mère veut être parent avec son fils. Ce père a fait confiance sans critique à l’interprétation de sa mère des paroles des deux enfants (ses petits-enfants).
Dans les graves conflits parentaux dans lesquels les parents se sont poses, ils sont en fait incapables de réguler leur relations après la séparation et utilisent la cour et toutes les autres institutions, qui sont appelées a protéger les intérêts de leurs enfants, en essayant de leur transférer la responsabilité non seulement des enfants, mais même pour l’échec du rencontre et du partenariat entre eux.
Le paradoxe est qu’après avoir résolu ces cas grâce à l’intervention du tribunal, ils continuent de désobéir à la loi et à l’acte judiciaire.
Question: Comment expliquez-vous cela?
Réponse: Mon explication de ces résultats est que les parents se battent entre eux, ce qui n’a rien à voir avec leurs enfants. Ce sont des batailles entre un homme et une femme, pas entre une mère et un père. Dans ma pratique, j’ai vu un certain nombre de cas dans lesquels l’homme et la femme n’étaient pas de bons partenaires l’un pour l’autre, mais chacun d’eux était capable d’être parent avec succès.
Question: Pourquoi avez-vous accepté de partager votre expérience avec le Centre de réhabilitation et intégration sociale « Hérissons »?
Réponse: J’ai accepté cette invitation car j’avais une grande envie de partager mes observations de mes rencontres avec parents et enfants dans une impasse, ainsi que d’entendre le point de vue de professionnels qui, comme moi, tentent de faire la conversation entre deux parents et entre les parents et l’enfant, mais utilisent des mots différents des miens.
Nous sommes chargés de la même tâche – protéger la vie et la santé des enfants, en respectant leur intérêt supérieur, mais nous voyons les choses d’un point de vue différent.
L’autre raison pour laquelle j’ai accepte l’invitation des “Hérissons” est dans mon désir de fonder les bases d’un dialogue entre nous qui manque à notre travail à tous – nous ne nous rencontrons pas, ni ne parlons.
Photographie : © Laporte Françoise : https://www.francoiselaporte.com/