« [L]a famille a son origine dans le malentendu, dans la non rencontre, la déception, dans l’abus sexuel ou dans le crime [1] ». Cette citation de Jacques-Alain Miller – que j’ai piochée dans le beau texte de Pascale Simonet, publié cette semaine dans Ombilic – m’est apparue saisir à point nommé l’enjeu de la série que je viens de découvrir et que je souhaite partager avec vous. Il s’agit de la deuxième saison de la série dramatique Top of the lake. Intitulée China Girl, celle-ci démarre par la découverte du cadavre d’une jeune femme dont on apprend rapidement non seulement qu’elle était enceinte au moment du décès mais que l’enfant qu’elle portait est le fruit d’une gestation pour autrui, faisant d’elle une mère porteuse.
L’intérêt de cette série policière réside selon moi peut-être moins dans les ressorts de son intrigue, pourtant palpitante, que dans la manière dont l’enquête sert de catalyseur aux enjeux subjectifs de son héroïne : l’inspectrice Robin Griffin. Celle-ci, depuis une rupture sentimentale douloureuse, s’affronte à la question de sa féminité et de son désir d’être mère. Désir d’être mère en faisant notamment une nouvelle place dans sa vie à la fille dont elle a accouché 18 ans plus tôt puis donné à l’adoption, tant les circonstances de sa conception furent traumatiques et violentes.
Top of the lake : China Girl – que sa réalisatrice Jane Campion compare à « quelque chose d’ovarien […] au-delà du féminisme [2] » – brosse aussi le portrait de plusieurs femmes également aux prises avec la question de la maternité soit sous l’angle de l’infertilité et de l’impossible sur lequel bute « vouloir un enfant » soit à travers le prisme du ravage mère-fille. Elle interroge par ailleurs ce qui est au fondement d’une famille, le tout en étant au plus près des enjeux contemporains soulevés par les avancées scientifiques en matière de procréation. C’est dire combien cette série remarquable rencontre les questions au cœur du Congrès Pipol qui nous rassemblera dans une semaine.
Cette antépénultième édition d’Ombilic, vous le verrez, est un feu d’artifice ! Il sera encore question de série télé mais aussi de littérature dans les excellentes contributions de Céline Aulit, Caroline Doucet, Marianne Gérard et Pascale Simonet. Du domaine artistique, vous passerez ensuite à celui de la clinique avec le texte de Patricia Lombardi.
Place enfin à la vidéo de la semaine ! Le Dr Cristofaro de Stefano, gynécologue et chef de service de physiopathologie de la reproduction et de la stérilité de l’hôpital San Giuseppe Moscati à Avellino, a accordé une interview au psychanalyste Alfonso Leo.
Belles découvertes !
Bibliographie
Miller J.-A., “ Mèrefemme “, La cause du désir, n°89, 2015, p. 122. – extrait des leçons des 30 mars et 6 avril 1994 du Cours “ L’orientation lacanienne. Donc “
Photographie : ©Véronique Servais
[1] Miller J.-A., « Affaires de famille dans l’inconscient », La Lettre mensuelle, n°250, 2006, p. 9.
[2] Cf. L’interview de la réalisatrice Jane Campion accordée à The New York Times à l’occasion de la sortie de la deuxième saison de sa série Top of the lake : China Girl. Publiée le 12 septembre 2017. Disponible en ligne : https://www.nytimes.com/2017/09/12/arts/television/top-of-the-lake-china-girl-jane-campion.html